L’amour c’est comme une cigarette.

Récit par Justine Rougemont

L’amour c’est comme une cigarette.

Jour après jour, mois après mois, vous avez commencé à y penser.
L’idée est devenue lancinante, évidente il faudrait décider d’arrêter !
Au début c’était le plaisir renouvelé, le bonheur de la découverte, l’impression d’être enfin adulte, d’être comme les autres. Au fil du temps certains détails ont abimé cette relation dépendante, l’ont rendue moins automatique, puis conflictuelle. Les reproches, les noirceurs, les petits mensonges se sont accumulés. Vous faisiez bonne figure, tandis que chaque matin amenait de plus en plus de difficultés de ne pouvoir s’en passer et chaque soir la bonne résolution de décider d’arrêter.
Un jour ce fut fait, la décision fut prise, c’était terminé et au monde entier la nouvelle fut annoncée. Elle fut clamée bien haut, sur un ton décidé, avec des airs de grand seigneur. Tout le monde en fut étonné ! Tu es certain de pouvoir tenir, elle ne va pas te manquer ? Alors furent révélés les inconvénients, les difficultés, les conflits, les frustrations et tout ce dont vous vous étiez privé pour elle et tout ce qu’elle vous avait empêché de vivre pleinement.

 

 

Quelques jours plus tard, le manque commença à se faire sentir, d’une façon que vous n’imaginiez pas. Celle que vous aviez reniée si fort occupait toutes vos pensées, provoquait une douleur physique autant que morale. Comment imaginer se retrouver à arpenter le salon en gémissant et serrant les dents à les faire grincer, en donnant des coups de poing dans les coussins. Des sanglots incoercibles ont parfois accompagné ces jours difficiles, vous dont la réputation d’endurci n’était plus à faire ! Comment une si petite chose pouvait-elle vous rendre si malheureux par son absence que vous en veniez à ne plus savoir pourquoi vous aviez décidé d’arrêter, au point de vous dire qu’après tout ce n’était pas si mal que cela ?
Après quelques semaines enfin les crises se sont estompées car vous vous êtes rué dans une folie compulsive de consommation de bonbons roses pour oublier celle qui vous manquait tant et leur ressemblait si peu ! Vous vous êtes cru alors libéré définitivement d’elle, décontracté et crâneur.

C’est alors qu’au détour d’une réunion, elle est apparue à vos yeux, s’offrant à vous dans sa splendeur, dans la robe préférée. Un frôlement, un parfum, il n’en fallait pas plus pour que vous replongiez. Une fois, rien qu’une fois, cela n’aura pas de conséquence, ce ne sera qu’une ultime satisfaction sans lendemain. Au moment ultime, à la première bouffée de plaisir, le choc fut terrible, le plaisir si grand que vous en êtes restés tous les deux consumés, incapables de parler.
A ce moment vous avez compris que vous n’auriez jamais du céder, que vous aviez vous-même remis en œuvre la nasse pour vous piéger !

Quelques mois plus tard vous vous êtes, à nouveau, retrouvé à penser qu’il faudrait décider d’arrêter.

Cette fois vous n’avez rien dit à personne, pour éviter les moqueries de ceux qui ne sont jamais passés par là et ne sachant plus trop à quel saint vous vouer.

 

 

Il y eut encore une ou deux rechutes douloureuses, de plus en plus douloureuses, au point que vous avez décidé de vous faire aider. Les années ont passé et si vous en rêvez parfois la nuit, vous faites en sorte que vos sanglots refoulés ne fasse pas s’interroger celle qui l’a remplacée.

Vous vous croyez tranquille ? Allons donc, méfiez-vous, vous savez bien qu’au fond de vous, la bête est tapie, prête à se réveiller.©

L’amour c’est comme une cigarette, prête à se consumer et sans cesse renouvelée.